vendredi 18 avril 2008

Assia Djebar sur la revue Jeune Afrique

ALGÉRIE - 30 mars 2008 - par PROPOS RECUEILLIS À PARIS PAR HAMID BARRADA ET TIRTHANKAR CHANDA

L’écrivaine évoque, dans son dernier livre, son adolescence et sa tentative de suicide. Dans l’entretien qui suit, elle revient sur ce qui l’a motivée mais aussi sur ses succès littéraires et son pays, l’Algérie.

"Écouter parler Assia Djebar, c’est comme lire ses romans. Chaque phrase est une plongée dans un passé lointain, dont on ne revient qu’en haletant, essoufflé par la puissance et l’amplitude d’un imaginaire qui ne connaît pas de frontières. Mêlant époques et voix, la grande dame des lettres francophones évoque la tragédie des femmes algériennes, ses combats pour l’émancipation, ses défaites et ses révoltes, autant de sujets dans lesquels l’écrivaine puise depuis plus de cinquante ans la matière de son œuvre de romancière, de cinéaste et de dramaturge.
Seize romans et recueils de nouvelles, deux longs-métrages, des pièces de théâtre constituent cette œuvre magistrale dont le rayonnement dépasse aujourd’hui largement les frontières de l’Algérie et de la France, comme en témoignent les prix prestigieux qui lui ont été attribués en Allemagne, aux États-Unis ou en Italie. Membre de l’Académie française depuis 2005, enseignante à New York University, la romancière, âgée aujourd’hui de 71 ans, partage sa vie entre Paris et New York.
Son dernier roman, Nulle part dans la maison de mon père, est un récit d’éducation sentimentale, à mi-chemin entre l’autobiographique et le féminisme militant. Au cœur de ce texte saisissant et évocateur, le récit d’un traumatisme personnel, survenu au terme de l’adolescence. L’irréparable évité de justesse. « Quand j’écris, j’écris toujours comme si j’allais mourir demain », confie-t-elle.
Or elle a écrit ce livre avec la conscience douloureuse qu’elle était déjà morte. Morte psychiquement, depuis plus d’un demi-siècle. Depuis ce matin d’octobre 1953, quand, adolescente saisie par une soudaine pulsion de mort, elle a failli mettre fin à ses jours après une violente dispute avec son fiancé.
C’est la première fois que la romancière en parle, avec une sincérité si bouleversante que le lecteur est tenté, en refermant Nulle part dans la maison de mon père, de retourner encore et encore aux plus belles pages de ce roman-confession.
Ces pages concernent, entre autres, l’enfance ressuscitée de la romancière, éclairée par la figure d’un père libéral et ombrageux, la découverte de la littérature et la boulimie des livres qui s’ensuit (« la lecture sera ma seule ivresse »), la nostalgie de la langue ancestrale, les paysages de la campagne…
Elles concernent surtout la révolte des aïeules mythiques et réelles dans le sillage desquelles Assia Djebar n’a cessé de se situer depuis ses tout premiers écrits. Une sorte d’héritage irréductible de douleur qui prépare la romancière pour ses propres drames, ses frustrations d’être femme dans un univers doublement dominé, colonial et patriarcal.
Ces différents thèmes, traités avec lyrisme et un souci scrupuleux du réel, structurent la trame de ce récit dans l’Algérie coloniale. Nulle part dans la maison de mon père, c’est 400 pages de pur bonheur de lecture, rythmé par cette mélopée lancinante et incantatoire qui est la marque de fabrique de l’écriture djebarienne. "

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