jeudi 17 janvier 2008

Entretien avec Virginie Oks, co-réalisatrice du film documentaire "Assia Djebar, la soif d'écrire"

Ma rencontre avec Virginie Oks s'est effectuée au mois de mars 2006 au salon du salon du livre à Paris sur le thème de la francophonie. Ce jour là, Assia Djebar était invitée à une table ronde. Virginie Oks était au début de son projet de réalisation du film documentaire sur l'écrivain. Depuis, je l'avais rencontrée à plusiseurs reprises, accompagnée du caméraman afin de filmer l'ensemble du protocole à l'occasion de l'intronisation de Assia Djebar à l'Académie française, en passant par l'IMA d'abord pour la remise de l'épée, Sous la coupole le jour de la lecture du discours et enfin lors de la réception qui lui était réservée au Quai d'Orsay. Un peu plus tard, je l'avais vue sur les traces de Assia Djebar lorsqu'elle avait fait une conférence au Sénat sur la journée du citoyen. Et bien sûr, je n'oublie pas toutes ses présences au club de lecture non seulement pour écouter mais aussi pour particper.
Depuis, le résultat du travail a été diffusé sur France 5 en début d'année 2007. Et aujourd'hui, c'est avec la plus grande simplicité que Virginie Oks a accepté de particper très activement à une projection du film dans le cadre des activités du club de lecture. Elle a bien voulu répondre à quelques unes de mes questions. C'est pourquoi, je ne peux que la remercier pour ce partage et cette complicité.
A.C. 20/12/07

(Photo: Djaafar Lesbet: Assia Djebar, Virginie Oks, Mireille Calle Gruber au salon du livre à Paris en mars 2006)


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Entretien

A.C: Qu'est ce qui a motivé la réalisation de ce film documentaire qui est passé cette année sur France 5?

V.O: J’ai découvert Assia Djebar au moment de son élection à l’Académie française en 2005. Je n’avais encore rien lu d’elle. Je me suis alors plongée dans « L’amour, la fantasia » que j’ai trouvé formidable. J’ai eu envie d’en savoir plus sur cet auteur, sur cette femme, sur son histoire et grâce à Yannis Chebbi d’Election Libre Productions, le projet de documentaire est né.

A.C: Pendant tes repérages entre la France, l'Algérie et les Etats-Unis, y'aurait-il eu des instants particulièrement marquants?

V.O: Oui, il y en a eu beaucoup….
A commencer par cette balade avec Assia Djebar dans le quartier de Washington Square à New York où elle vit et enseigne. J’étais partie quelques jours avant le cameraman pour faire des repérages et préparer le tournage et Assia m’a offert de me faire visiter « son » New York, avec les lieux qu’elle aime. Ca a été un grand bonheur.
Et puis il y a eu aussi l’Algérie où j’allais pour la première fois. Un pays que j’ai trouvé magnifique et où j’ai rencontré des gens merveilleux, d’une très grande gentillesse, d’une grande disponibilité, comme Abdelkrim Mekfouldji à Blida, Mohamed Korchi à Cherchell, Madame Mansouri au lycée Abdelkader d’Alger. Il y a aussi la famille d’Assia Djebar, sa mère et sa sœur, qui m’ont accueilli et guidé pendant toute la préparation et le tournage.
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A.C: Quel effet cela produit d'aller sur les traces d'une femme écrivain comme Assia Djebar?

V.O: C’est forcément passionnant ! Car on cherche à comprendre une personnalité exceptionnelle. Une personnalité écrivain. Les écrivains se cachent souvent derrière leurs écrits, parfois il y a même des fausses pistes. Je ne crois pas qu’on arrive à comprendre un auteur uniquement en le lisant, on peut l’apprécier, l’aimer, l’adorer mais pas le comprendre. Toute la difficulté pour moi était de comprendre pour raconter Assia Djebar le plus fidèlement possible. Bien sûr il y a l’entretien de Frédéric Mitterrand dans le documentaire qui aide également à cela.

A.C: Quel (s) est (sont) le (les) roman (s) que tu as préféré?

V.O: « L’amour, la fantasia » a été pour moi le livre déclencheur mais mon préféré c’est « Vaste est la prison » car j’ai l’impression que c’est le livre dans lequel Assia Djebar se découvre le plus. J’avais l’impression en le lisant d’apprendre à comprendre l’écrivain qu’elle est. Depuis, « Nulle part dans la maison de mon père est paru » ….

A.C: Je me souviens qu'un soir lors d'une rencontre du club de lecture, tu venais de lire La soif que je n'avais pas encore lu à ce moment. Je t'avais priée de ne point me dire tes impressions car je m'apprêtais à le lire. Par contre je me souviens très bien que tu m'avais semblée troublée?

V.O: Oui, c’est vrai que « La soif » m’a également beaucoup marqué. Pour plusieurs raisons, la première est que j’ai eu beaucoup de mal à me le procurer. Il est malheureusement très difficile à trouver (en ce qui me concerne, c’est la mère d’Assia qui a très gentiment accepté de me le prêter), d’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi aucun éditeur ne réédite ce livre….

Ensuite parce que c’est le premier livre d’Assia Djebar et qu’en le lisant et en connaissant un peu Assia, j’avais l’impression d’avoir en face de moi Assia à 20 ans, l’âge où elle a écrit La soif. C'était très troublant.

Enfin parce que très simplement, j’ai beaucoup aimé ce livre, l’histoire et la manière dont elle est relatée.
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A.C: Pendant la préparation du film documentaire, tu avais souhaité assister à quelques rencontres du club de lecture afin d'entendre les échanges autour de l'oeuvre de Assia Djebar. Comment tes participations à ces rencontres ont participé dans le parcours de ton travail?

V.O: Ma rencontre avec toi, Amel, et avec le club de lecture a en effet été déterminante. Elle m’a permis de percevoir et de comprendre Assia Djebar autrement que par ma seule vision (forcément trop personnelle). Ca a été un moyen d’échanger et de connaître des personnes qui ont une perception très intéressante et très profonde de l’œuvre d’Assia Djebar.
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A.C: Le dernier roman de Assia Djebar "Nulle part dans la maison de mon père" est sorti. As-tu eu le temps le lire?


V.O: Je suis en train de le lire…
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A.C: Peux-tu citer un passage d'un roman qui a retenu ton attention?

Là encore, il y en a beaucoup et c’est la raison pour laquelle nous avons tenu avec Frédéric Mitterrand à insérer de nombreux extraits des livres d’Assia Djebar dans le documentaire.
Personnellement, j’aime particulièrement cet extrait que je trouve très fort:
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"Quand j’écris, j’écris toujours comme si j’allais mourir demain.
Et chaque fois que j’ai fini, je me demande si c’est vraiment ce qu’on attendait de moi puisque les meurtres continuent. Je me demande à quoi ça sert. Sinon à serrer les dents et à ne pas pleurer
."

Entretien réalisé par Amel Chaouati
le 17/12/07




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