Journal El Watan
01/11/07Le cœur à la page
Ici et là, malgré tout, des personnes et des associations, discrètement, œuvrent à la promotion du livre et de la lecture. Chapeau !
Dans un pays où le livre souffre de mille maux, la moindre action en sa faveur prend une dimension précieuse et hautement citoyenne. On peut citer dans ce sens ces associations de parents d’élèves qui se cotisent pour acquérir les livres lors des distributions de prix et maintenir ainsi une tradition qui associe noblement le livre à la notion d’excellence. Mme F. B. qui fut pendant trois ans à la tête de l’une d’entre elles, en témoigne : « Je n’ai jamais su si le ministère de l’Education ne donnait pas de budgets pour cela. Le directeur de l’école de mes enfants m’affirmait que non et, vu la qualité de la personne, je n’ai aucune raison d’en douter. Alors, on se cotisait. Souvent, c’était les mêmes qui payaient, pas toujours les plus riches. D’autres disaient qu’ils payaient leurs impôts et ils avaient raison dans le fond. Mais, bon, laisser les enfants sans prix… Dans tout cela, c’est un libraire d’El Biar qui nous a toujours aidés en nous faisant de bonnes réductions. » Dans les rangs des dévoués au livre, on peut compter aussi les individus et les familles qui font don d’ouvrages aux bibliothèques. Mais l’opération se déroulant le plus souvent sans tambours, on ignore ce que représente le phénomène. Sans doute pas grand-chose, du fait même de l’absence ou du manque de bibliothèques. « Mes enfants vivent à l’étranger maintenant, raconte cet ancien receveur des postes. Un jour j’ai trouvé deux cartons de livres que je leur avais achetés à l’époque où c’était donné. C’est comme ça que j’ai découvert que la bibliothèque municipale du quartier était devenue une antenne administrative de la commune. Je les ai donc offerts aux enfants de l’hôpital Mustapha. J’espère qu’ils les ont aidés à guérir. » (NDLR : nous avons appris entre-temps que ladite bibliothèque, sise à Meissonnier, a rouvert ses portes). Ces exemples montrent que la préoccupation du livre existe encore dans notre société, bien que battue en brèche la mollesse de cas des autorités en sa faveur. Parmi les belles initiatives que nous avons repérées, ce tableau d’honneur à un citoyen de Sétif, Redouane Charrad, qui a créé une petite bibliothèque dans un studio d’une pièce servant à l’entreposage des livres et aux prêts. Lassé de voir ses livres jaunir sans contacts humains, cet amoureux des belles lettres ouvre ses portes, sur rendez-vous, à quelques dizaines de personnes, aussi passionnées, dans un esprit de partage, dénué de toute transaction, en dehors de celle des ouvrages. La petite activité a donné lieu à un club de lecture qui organise plus ou moins régulièrement des discussions sur les ouvrages lus. Ces échanges sont consignés dans un bulletin envoyé par fax ou internet aux bibliothèques d’Algérie et du monde entier. Tableau d’honneur également à l’association Etoiles d’encre de Sidi Bel Abbès, animée par l’écrivaine Maïssa Bey et qui a réussi à créer une véritable bibliothèque dans la ville, se débrouillant pour obtenir des aides locales et un soutien de l’Union Européenne, éditant un bulletin littéraire. Tableau d’honneur aussi à la galerie-librairie Arts en Liberté pour avoir organisé, avec la complicité de quatre éditeurs, durant le précédent Ramadhan deux journées sous le thème « Des livres pour tous », avec des réductions significatives sur les ouvrages ainsi qu’une soirée émouvante de lecture de beaux textes. Tableau d’honneur du côté de notre émigration où une certaine Amel Chaouati, passionnée par l’œuvre d’Assia Djebar, a réuni quelques personnes pour créer à Paris un Club de lecture dédié à l’écrivaine (voir interview ci-après). Plus qu’un fan-club, c’est un espace d’échange sur l’œuvre de l’académicienne comme sur la littérature en général. Tableau d’honneur au gérant des Etoiles d’Or qui, bouquiniste depuis l’indépendance, continue imperturbablement son activité à la rue Didouche Mourad à Alger quand presque tous les commerces de cette artère ont changé d’activité, y compris de belles librairies, les bénéfices supplantant les métiers, marché oblige ! Tableau d’honneur à Oran à l’association Le Petit Lecteur qui a réussi aussi à aménager une bibliothèque enfantine qui assure la lecture sur place ainsi que le prêt et des ateliers culturels divers. Enfin, tableau d’honneur à la gérante des Editions Dalimen, Mme Dalila Nadjem, qui, après une librairie à Cheraga, en a ouvert une autre à Staouéli. Des livres au royaume des merguez, il fallait le faire ! Ne lui arrive-t-il pas de songer à se mettre aussi aux brochettes ? On verra bien…
1 commentaire:
Je joins ma voix à la votre pour dire l'importance de toutes ces petites initiatives qui naissent ça et la au milieu d'une époque qu'on pourrait malheureusement qualifier, et pour emprunter les mots de T.S Eliot, de "waste land". Et une fois de plus il faut souligner l'importance de la communication, car l'isolement est le pire ennemi qui abat même les plus fortes volontés.
Houda
Algérie
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